Une Histoire bouleversante

Les plages c’est bien joli mais on est aussi venu en Martinique pour découvrir leur Histoire, leur Patrimoine et mieux comprendre ce qu’ils ont subit. Bon je vais pas vous le cacher, cet article va être un peu plus pesant. Au programme : la Savane des Esclaves aux Trois Ilets et le Mémorial de la catastrophe de 1902. On a bien fait toute ces visites la même journée, donc autant qu’à la fin de la journée on avait besoin d’un ptit punch copieux.

La Savane des Esclaves

Ce lieu, est l’aventure incroyable de Gilbert Larose qui a façonné seul, sur plus de 20ans désormais, un village, puis un musée l’esclavage, son abolition mais aussi la culture Amérindienne. Le lieu est d’une richesse impressionnante et nous transporte sur 400ans d’Histoire de l’île. Il est indiqué que la visite dure 1h30, mais au vu de l’ensemble de la documentation à disposition, il est préférable de prévoir une demi-journée complète. De notre côté, nous avons juste bâclé la lecture vers le village amérindiens à cause du cagnard de midi et de la chaleur.

Le musée propose une application mobile qui permet de découvrir ou de revoir le village.

Esclave Romain

Je ne vais pas forcément tout détailler, mais là impossible d’y échapper. L’Esclave Romain est le symbole de la lutte pour l’abolition de l’esclavage.

Nous sommes le 21 mai 1848. Le décret de l’abolition de l’esclavage a été signé depuis près d’un mois, le 27 avril mais prévoit 2 mois de délais pour leur application. Le 21 mai 1848, l’esclave Romain est arrêté pour avoir joué du tambour. Les esclaves de son Habitation trouvant la punition injuste réclament sa libération. Pour calmer la situation et contre l’avis du maire, le maire adjoint de Saint-Pierre, Pory-Papy, le fait libérer. Le maire convoque alors Pory-Papy pour exiger des explications. Les esclaves réagissent et investissent la ville. La révolte gagne petit à petit toute l’île. Le 23 mai 1848, le Gouverneur Claude Rostoland décrète l’abolition de l’esclavage.

Une personnalité illustre mais pourtant oublié, c’est Cyrille Bissette. Il est l’exemple typique qu’à l’époque déjà, pour une même cause plusieurs mouvements existaient et ne s’entendait pas. Outre les actions des marrons et la lutte par la voie législative de quelques blancs comme Victor Schœlcher, il y a aussi la position des affranchis. Cyrille Bissette incarne justement la voix de ces personnes de couleurs libres.

Cyrille Bissette par François Le Villain

Véritable adversaire de Victor Schœlcher, Cyrille Bissette ne partage pas la même opinion que lui sur la manière d’aborder l’abolition de l’esclavage. Alors que Schœlcher à partir de 1842 se positionne pour une abolition complète et immédiate, la réflexion de Bissette démarre en 1822 sur la volonté d’égalité entre l’homme blanc et l’homme de couleur libre, alors en supériorité numérique. Il critique ensuite Schœlcher sur ses propos décrivant l’homme de couleur libre comme un complice de l’esclavagiste. L’histoire a finalement retenu que l’abolition de l’esclavage était la conséquence de l’action de Schoelcher, alors que Bissette a joué un rôle au moins équivalent et probablement plus déterminant.

Des exemples de cases de la Rue Case-Nègres. Au plus proche des plantations de l’Habitation, chaque case était remplit jusqu’à plus de place pour dormir au sol. Une Habitation, en Martinique est une exploitation sucrière.

Plusieurs travaux des champs étaient possible, mais le plus difficile et le plus répandu aux Antilles était le travaux dans les champs de cannes à sucre. D’autres esclaves travaillaient dans les champs de café, de cacao, de coton ou même de tabac.

Le site parlent évidemment aussi des châtiments, mutilations, tortures et humiliations subis par les esclaves. Je ne détaille pas plus l’article est suffisamment “léger” comme ça.

Une fois l’abolition de l’esclavage proclamée le 23 mai 1848, il a fallut réorganisé la société. Tandis que les anciens propriétaires d’esclaves ont reçu une indemnisation financière pour compenser la perte de leur main d’œuvre gratuite, les nouveaux affranchis sont laissé pour compte. Ils ont la possibilité de rester dans leur Habitation et recevoir un salaire pour le travail qu’ils fourniront. La plupart des vieux esclaves, trop fragiles et fatigués pour recommencer une nouvelle vie opteront pour cette solution. Ils peuvent aussi bien évidemment quitter leur ancienne Habitation. Mais ils ne reçoivent aucun biens ni terres, ils se rendent alors en montagne, dans les terres pour construire leur chez soi. Plus qu’un nouveau départ, un départ de zéro. Les cases au-dessus sont des exemples d’habitations des nouveaux affranchis, avec une cuisine extérieure et une case dont le rôle est dans un premier temps uniquement pour dormir.

La suite de la visite se poursuit dans le village Amérindien. Contrairement en Guadeloupe, les autochtones et les colons ont cohabité un temps sur l’île de la Martinique. Les premiers habitants de l’île sont les Arawaks. Profondément pacifistes, la tribu doit fuir à l’arrivée des Kalinagos (ou Caraïbes), un peuple guerrier. Ce sont ces derniers que rencontre les colons français et avec qui ils négocient leur installation sur l’île.

Le Mémorial de la Catastrophe de 1902

Saint-Pierre, 8 mai 1902 8h00 : agitation du matin ; 8h02 plus rien.

Le Mémorial retrace la vie dans Saint-Pierre à l’époque avant l’éruption et les évènement qui ont précédé et suivi le drame. Au total ce sont environ 28 000 personnes qui ont périt durant l’éruption, soit brûlés soit étouffés par ce qu’on nommera par la suite, les nuées ardentes. Environ, car les registres ont aussi été détruits à ce moment là, c’est donc une estimation du nombre de victime qui correspond à peu près à la population de la ville à ce moment-là.

Une partie des 7000 noms connus des victimes de la Catastrophe à Saint-Pierre

Cette visite m’a particulièrement marqué. Entre incompréhension et indignation. Mais il est très important de souligner et d’insister sur un point. Avant l’éruption de la Montagne Pelée en 1902, aucun phénomène similaire de volcanisme n’avait été observé.

Le début de l’éruption est considéré en février 1902 avec la présence de fumerolles sulfhydriques. Mais ce n’est qu’à partir de fin avril que les évènement s’accélèrent. Saint-Pierre est alors régulièrement recouverte de cendre. Le 2 mai, la ville du Prêcheur est dans le noir, une évacuation est alors mise en place vers Saint Pierre. Les câbles de communication avec les autres îles se rompent un à un. Le 5 mai, l’usine Guérin est détruite par une coulée de boue, faisant 23 morts. Cela provoque un tsunami qui inonde une partie de Saint-Pierre. Le 6 mai des pluies torrentielles s’abattent sur la région.

Dans la ville, les politiques tentent de rassurer la population. Le second tour des élections législatives prévu le 11 mai n’est pas reporté. La destruction de l’usine Guérin marque le début de la panique de la population qui cherche alors à fuir vers Fort-de-France. Le 7 mai, les avis scientifiques sont publiés dans le journal Les Colonies, ils tentent de rassurer la population en affirmant que la plus grosse activité est passé. Ou, une des plus grosses bourdes scientifiques du XXe siècle.

Ancêtre du YMCA ? OK, je sors…
Selfie avec Saint-Pierre à Saint-Pierre, c’est une Saintpierreception !
Ok je sors vraiment cette fois..

La puissance de l’explosion est l’equivalent de 10 000 fois la force des deux bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki réunit. La température est telle que les murs des bâtiments fondent. Très peu de personnes survivent. Le plus célèbre est Louis-Auguste Cyparis, alors enfermé en prison pour ébriété sur la voie publique la veille. Par la suite, il fut engagé par le cirque Barnum and Bailey’s aux Etats-Unis.

Le scandale humanitaire ne s’arrête pas à la non évacuation de Saint-Pierre avant l’explosion. En effet, plus de 20 000 réfugiés des communes avoisinantes de Saint-Pierre arrivent à Fort-de-France. Bien que l’aide internationale a réagit très vite pour subvenir au besoin de base des sinistrés, le Gouverneur tardent à faire construire d’autres villes plus au Sud sur l’île pour loger tout ce monde. Certains, par manque de ressources, et par peur des pillages devenus commun dans la région, retourne sur leur terre.

Le théâtre de Saint-Pierre

C’est à la suite de cette éruption que la volcanologie devient une science à part entière. Lacroix vient en Martinique après la seconde éruption du 30 aout afin de décrire de ce qu’il nomma, les nuées ardentes. Une nouvelle catégorie d’éruption est aussi crée, de type peléen, en référence au nom du volcan, la Montagne Pelée. Enfin, c’est à partir de ce moment que des observatoires de volcanologie sont implantés proche des volcans afin de surveiller leurs activités.

EDIT: Saint Pierre lors du second séjour

J’ai vraiment beaucoup aimé Saint-Pierre, alors j’y suis retournée lors de mon second séjour en Martinique. Voici les photos.

L’Histoire de Saint-Pierre ne se limite pas à la catastrophe liée à l’éruption volcanique et aux 28 000 disparus. C’est aussi le début des évènements, des révoltes qui ont mené ensuite à l’abolition de l’esclavage.

La fameuse cellule où se trouvait Louis-Auguste Cyparis, mais d’un autre angle car j’ai remarqué qu’on pouvait aller dans les ruines.

Les abords du grand théâtre.

Au fond de l’esplanade, une fontaine constituée par une tête de sphinx déversant son eau dans une vasque soutenue par des dauphins stylisés est adossée à un escalier monumental. Cet escalier permet l’accès au parvis et au balcon offrant une vue imprenable sur la foule bigarrée se rendant au spectacle et constituant par elle-même une attraction prisée. Sa façade d’un style néo-classique conforme au goût dominant de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle. Chacune des arcades donnait sur un vestibule où on peut encore voir les deux guichets.

La porte centrale est celle des privilégiés qui accèdent au premier étage (le noble par excellence) alors que les entrées latérales, ouvertes sur des petits halls couverts de tomettes et pierres locales (contrairement au marbre réservé à l’entrée principale) donnent accès aux cages d’escalier en vis desservant les deuxième et troisième niveaux (dit « le poulailler »), réservés respectivement à la classe moyenne – les libres de couleur (avant l’abolition), les marins et les employés de commerce… – et au petit peuple.

A partir du rez-de-chaussée, on accède aussi à la salle de théâtre proprement dite. On peut y voir encore l’emplacement des loges grillagées, où l’on pouvait voir sans être vu, la cage d’orchestre sous-plancher qui faisait caisse de résonance et la scène. On distingue aussi le cheminement des coulisses, les accès des artistes et du café. La décoration intérieure de la fin du XIXème siècle, réalisé par des artistes locaux et par Chapuis (décorateur de l’opéra de Paris), est une fois encore conforme au goût contemporain dominant.

Fondée dès 1837, la Maison coloniale de Santé ouvre ses portes pour les aliénés. Le service est assuré par les religieuses de Saint-Paul. Il est dénombré 439 aliénés accueillis dans l’établissement entre 1839 et 1853, soit deux tiers des malades mentaux de la Martinique.

La maison coloniale de santé

Hôpital psychiatrique d’avant-garde, la Maison coloniale de Santé est constituée à partir de 1838 par le rachat successif de maisons privées aux confins de la zone urbanisée du Fort. Située en contrebas des Bureaux du Génie, elle a bénéficié et perfectionné à des fins thérapeutiques l’ingénieux système hydraulique, offrant quiétude et isolement. On peut pourtant voir coexister la salle d’hydrothérapie la plus moderne avec les cellules d’isolement et sièges de force d’un autre âge. Dégagé pour moitié par les archéologues, l’établissement se répartit aujourd’hui en trois divisions, comme autant de quartiers répondant aux différents états des malades.

Les bureaux du Génie

Surnommée la « Petite Venise » des Antilles au XIXe siècle, l’eau était omniprésente à Saint Pierre appréciée pour sa fraîcheur et son cadre de vie. Les fontaines servaient à l’époque de points d’approvisionnement en eau potable. Elles deviennent aussi un lieu d’échanges et de rencontres.

Fondés entre 1667 et 1675, les anciens bureaux du Génie étaient autrefois une des premières habitations de la colonie. Puis, les bâtiments tombent dans le domaine public en 1851 et deviennent un hospice civil jusqu’en 1855. C’est à ce moment que sont construits les trois terrasses superposées, l’escalier central et les deux bassins de la terrasse intermédiaire. La mise en place de l’ingénieux système hydraulique qui alimente l’ensemble du site daterait de cette même période.

La distribution de l’eau courante dans l’ancienne capitale commença dès le XVIIIe siècle. Avant 1902, la ville disposait des meilleurs aménagements hydrauliques de la Martinique. De la fontaine du bureau du génie à l’hydrothérapie pratiquée à l’ancien hôpital, en passant par les vestiges des rigoles qui transportaient l’eau douce vers la mer.

Le quartier du Figuier

Le quartier du Figuier constitue un ensemble de locaux mitoyens, en contrebas de l’ancienne batterie. Ces maisons à étage datent du XVIIIème siècle. Elles auraient servi à loger les soldats qui desservaient la batterie.

Le développement du commerce maritime au cours du XVIIIème siècle a nécessité la création de lieux de stockage de marchandises. Ces maisons sont alors transformées en entrepôts. On y range également du matériel destiné à venir en aide aux bateaux en difficulté dans la rade. Au moment de leur destruction, des activités domestiques et artisanales y sont vraisemblablement pratiquées. Le souffle des éruptions de 1902 a détruit les façades et la plupart de murs intérieurs.

Entre 1923 et 1925, un marché couvert accueille l’activité commerciale. Il scinde désormais en deux l’ancienne place Bertin. Ce marché construit sur les plans de l’ingénieur M. Mignard suit le modèle du marché en fer préfabriqué, de la 2nde moitié du XIXème siècle inspiré des halles centrales de Paris.

Des aménagements encombrent progressivement les abords et l’intérieur du marché, rendant obsolète le bâtiment qui se dégrade. L’activité commerciale se repositionne spontanément à l’extérieur du bâtiment. D’importants travaux de réhabilitation et de modernisation permettent de redynamiser le centre-bourg et de revaloriser du front de mer. Le marché couvert est classé au titre des Monuments Historiques en 2021.

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