L’histoire de Rapa Nui

Iorana ! Ça veut dire Bonjour en Rapa Nui. Nous voilà pour 5 jours sur Rapa Nui, ou l’île de Pâques, son nom donné par les européens. Ici, il sera question d’une petite présentation de l’une des îles les plus isolées au monde mais aussi de casser certains mythes.

Non, ce n’est pas une histoire d’extraterrestre, sujet suivant.
Source : Science Photo Library/Victor Habbick Visions

L’île de Pâques est en forme de triangle, pas plus grande que Marie Galante, composée de trois volcans chacun à une “pointe” de l’île. Poike est le volcan le plus ancien date d’il y a 3 millions d’années. Le second Rano Kau a 2,5 millions d’années. Et le troisième, le plus grand et le sommet de l’île, Maunga Terevaka il y a 1,8 millions d’années.

L’île de Pâques vue par le satellite européen Sentinel-2 le 17 mars 2023. Couleurs naturelles. 

L’île se situe dans le Pacifique à 3 525 km des côtes chiliennes, à 4 193 km de Tahiti et 3 660 km des îles Marquises. Avant l’arrivée des premiers habitants, l’île est recouverte de végétations, majoritairement de forêt avec essentiellement des palmiers Paschalococcos disperta, espèce endémique de l’île désormais éteinte, depuis 1650 environ. Avant l’arrivée des premiers humains, on estime qu’il y aurait eu jusqu’à 16 millions de palmiers sur l’île.

On pense que l’île de Paques aurait été la dernière île colonisée au monde vers 1000 1200 terminant alors la grande migration de l’Homo sapiens commencé 60 000 ans auparavant. D’où venaient ces humains ? La thèse la plus probable est qu’ils viendraient d’une île du Pacifique, de Tahiti ou de l’archipel des Marquises, peut être un mélange des deux. La théorie de l’origine des îles Marquises est appuyée par une similarité entre les Moaïs et les Tikis.

La ressemblance est frappante
source : https://montourailleurs.com/deux-semaines-aux-iles-marquises

La légende raconte que le roi Ariki Hotu Matu’a vivait sur un territoire prospère appelé Hiva. Une nuit, il a reçu dans ses rêves le message que son pays coulerait dans la mer et qu’il devait trouver un endroit où emmener son peuple. Hotu Matua envoya sept explorateurs chercher une terre propice à vivre. Après plusieurs jours de navigation, les sept explorateurs arrivèrent sur une petite île inhabitée mais l’ont trouvée suffisamment fertile pour y vivre. Hotu Matu’a voyagea vers l’île à bord de deux grands bateaux accompagné de son entourage formé d’une centaine de personnes dont son épouse et sa sœur. A leur arrivée, son épouse enceinte aurait accouché sur la plage d’Anakeva, engendrant alors le premier matamua.

Ces sept explorateurs seraient représentés par les sept Moaïs trouvés dans l’Ahu Akivi.

Il est fort probable qu’une partie de la population des Marquises migrèrent vers Rapa Nui car il commençaient à y avoir une surpopulation dans l’archipel. C’est traditionnel pour un peuple polynésien de quitter son île pour en coloniser une nouvelle lorsque les ressources sur l’île ne sont plus suffisante à la survie du peuple. Si la tradition orale donne peu d’informations, on sait que les connaissances de la navigation des polynésiens étaient exceptionnelles, et reposaient en grande partie sur leur observation : utilisation des vents, des courants marins, du ciel et de la migration des oiseaux. Leurs embarquations sont des pirogues à deux coques, tel des catamarans. Ils avaient emportés avec eux des plantes à cultiver tel que l’igname, le taro, puis les bananes et la canne à sucre, mais aussi des poulets qui étaient le seul animal domestique de l’île.

Te pito o te henua, qui signifie « nombril du monde », est un lieu sacré pour les Rapa Nui. La grosse pierre centrale est magnétique et aurait des pouvoir de fécondité. Les femmes la touche pour tomber enceinte. La légende dit que c’est une pierre d’origine des Marquises arrivée avec les premiers habitants de l’île mais ça a été contredit par des prélèvements. La pierre est située au de la baie de la Pérouse mais l’explorateur a accosté a Hang Roa sur la baie de Cook qui a visité l’île avant lui.

Je n’ai bien évidemment pas toucher la pierre

La grande majorité des clans vivent en village au bord de la mer, car c’est à cet endroit que les nappes phréatiques sont accessibles sur l’île. Ce sont des eaux saumâtres légèrement salées par l’océan où elles se déversent.

Les villages comprennent des maisons d’habitation, des fours souterrains (umu), des jardins clos (manavai) et des poulaillers (hare moa). Le village inclut également une plateforme cérémonielle (ahu) servant de centre religieux et politique. Mais certains vivaient dans des grottes formées par la lave comme à Ana te pahu. C’est le réseau souterrain le plus grand du chili qui s’est formé car la lave extérieure s’est refroidi tel un conduit .

Les hare paenga, les maisons en forme de canoë sont exclusivement pour dormir avec une capacité d’une quinzaine de personnes. Les fondations de la Hare Paenga sont constituées de pierres de base soigneusement travaillées en basalte dur avec deux ou plusieurs trous dans lesquels des branches fines, probablement en bois de toromiro, sont insérées. La cour semi-circulaire est pavée de galets roulés (poro) et sert de lieu de séjour pour les habitants et pour les activités quotidiennes telles que la préparation des repas et les travaux artisanaux.

Les manavai sont des systèmes ingégnieux pour permettre la culture sur la terre de l’île de Pâques. Ce sont des jardins clots par des pierres volcaniques. Les roches protègent du vent et permettent de conserver l’humidité au sol. Ce système agricole résilient prouvent que les habitants n’ont jamais brûler une partie des terres pour cultiver des plantes pour se nourrir. Les hare moa sont des poulaillers afin de proteger les poules des vols.

Entre 1200 et 1400, les Rapa Nui vénéraint le dieu Make Make. Puis, les Moaïs ont été taillé et erigé entre 1400 et 1650. Un article plus complet reviendra à ce sujet. Enfin le culte du dieu Make Make refait surface avec la compétition de l’Homme-Oiseau qui sera consacrée dans un autre article.

En 1722, Jakob Roggeveen est le premier européen à accoster sur l’île et prendre contacts avec les autochtones. (On ne découvre pas une île ou un continent quand celui-ci est déjà habité.) Comme il l’acoste le dimanche de Pâques, Jakob la nomme “île de Pâques”. Le 15 novembre 1770, c’est l’explorateur Felipe González de Ahedo qui débarque sur l’île. Il fait planter plusieurs croix à l’Est de l’île, sur la pointe du volcan Poïke. Aujourd’hui, trois croix sont érigées sur un sommet de l’île en hommage à Felipe González. Le 13 mars 1774, c’est au tour de James Cook, lors de sa deuxième expédition du Pacifique Sud, d’arriver sur l’île. Reinhold Forster, un naturaliste allemand participant à l’expédition, dessine les premiers croquis des statues Moaïs. En 1786, le navigateur français La Pérouse débarque sur l’île de Pâques au cours de son tour du monde.

Atlas du voyage de La Perouse en 1786 gravé par Nicolas Ozanne

En 1861, 1500 rapa nuis sont déportés aux îles Chincha pour l’extraction du guano et la plupart y meurent durant les trois années suivantes. Les survivants sont rapatriés mais les maladies qu’ils ramènent sur l’île déciment le reste de la population. On compte alors qu’une centaine d’habitants sur l’île.

Easter-Island de William Hodges

En 1867, le français Jean-Baptiste Dutrou-Bornier arrive avec son propre matériel et sa famille afin de créer une exploitation agricole. Il procède alors à d’importants achats de terre à très bas prix auprès des propriétaires Matamua. Le 30 octobre 1871, il conclut un « contrat d’association pour l’exploitation de l’île de Pâques » avec l’entrepreneur écossais John Brander. Au total, 8400 moutons et 150 boeufs sont élevés sur les terres de l’île des Pâques.

“L’Ile de Pâques , 7 janvier 1872, vers 5 heures du matin” aquarelle de Pierre Loti

Le 9 septembre 1888, l’île est annexée au nom du Chili. La lignée royale étant éteinte depuis 1861, un traité d’annexion de l’île est signé avec un certain Atamu Tekena, reconnu comme roi par le gouvernement chilien. L’île est divisée entre la réserve de Hanga Roa, 6 % de la surface de l’île, où sont parqués les Rapa-Nui, et le reste des terres qui sont louées à des sociétés pour y élever des moutons jusqu’en 1953. En 1966, les Pascuans reçoivent la nationalité chilienne et sont autorisés à quitter la réserve. Enfin, le 30 juillet 2007, une réforme constitutionnelle dote l’île d’un statut de « territoire spécial », mais elle continue pour le moment d’être administrée par Valparaíso. Leur drapeau est rouge pour la royauté et blanc pour la pureté avec une pirogue ou plutôt un reimiro avec deux visages, qui est un bijou que portait l’aristocratie à Rapa Nui.

source : https://en.m.wikipedia.org/wiki/Flag_of_Easter_Island

Désormais, les rapa nui ont des lois fortes pour protéger leur île, comme l’impossibilité aux étrangers d’acheter une terre. Les rapa nuis reçoivent à leur naissance une maison et 5ha de terre. Si un.e étranger.ère se marie avec un.e rapa nui iel n’héritera pas de la terre, iel est obligé.e de les céder à ses enfants.

Entre 1861 et 1955, tous les Moaïs étaient à terre couchés les yeux au sol. En 1956, le premier Moaï est errigé à nouveau par Thor Heyerdahl et son équipe. En 1960, c’est une plateforme cérémonielle (Ahu) qui est reconstituée. En 1990 le premier touriste débarque sur l’île. Et en 2004, suite au best-seller de Jared Diamond, le tourisme explose jusqu’à atteindre 160 000 touristes par an.

Plusieurs Moaïs sont connu par un nom comme le Moaï de la paix qui a fait le tour du monde, le Moaï voyageur qui a été utilisé pour tester la théorie du déplacement du frigo, le Moaï Paris Match qui fit erigé en 1968 un Moaï complet pour sa une et le Moaï Hoa Hakananai’a, ”l’ami dérobé” exposé depuis au British Museum de Londres depuis 1869.

Le Moaï voyageur

Voilà pour une histoire assez complète de ce qu’a vécu Rapa Nui. Et au vu des évènements, il est impossible désormais de défendre la théorie de l’écocide sur l’île de Pâques qu’avance Jared Diamond dans son best-seller Effondrement. Jared Diamond a en effet construit une fable écologique afin d’alerter les sociétés contemporains de l’avenir qui risque de nous arriver. Selon Jared Diamond, les matamuas se seraient retrouver à déboiser toute leur île, afin de répondre à une problématique de surpopulation, mais aussi pour soulager leurs envies de grandeur en construisants des Moaïs toujours plus grands. Leurs terres seraient alors devenues incultivables, et ils auraient sombrer dans la famine et la guerre civile jusqu’à leur extinction.

Une photo plus légère pour digérer le pavé de blabla

On sait déjà que cette thèse est fausse. Tout d’abord car il n’y a jamais eu d’écocide, leur société a survécu en grande partie grâce aux folklores et traditions orales entretenues mais aussi à la centaine d’habitant survivants au plus haut de la crise démographique. On sait aussi depuis peu (2024) que l’île aurait accueilli jusqu’à 4000 habitants avant l’arrivée des européens. Il n’y a donc jamais eu d’effondrement de la société rapa nui précolonial. Si on estime que la société matamua a bien disparu, cela est plus lié au phénomène Niña qui sévit vers 1650 et provoque une grande sécheresse, aux contacts avec les européens et leurs maladies au XVIIIe siècle et à l’esclavage mis en place par le Pérou au 1861.

En ce qui concerne le déboisement accéléré de l’île, cela serait plus dû à la présence de rats polynésiens dès 1200 qui auraient mangé toutes les graines de coco mais aussi et encore la Niña de 1650 qui aurait finit d’achever l’écosystème de l’île et surtout l’élevage intensif d’ovins par les européens au XIXe siècle. Malgré ce déboisement, les rapa nuis ont su faire preuve d’une grande résilience et d’ingéniosité pour continuer à nourrir leur population (avec les manavais par exemple) malgré ces conditions défavorables.

Première baignade dans le Pacifique

2 commentaires

  1. Elvire Berthenet a dit :

    Super intéressant ! Et ça te va bien le combo pareo couronne de fleurs !

  2. […] avant d’être enfermés dans les cales de bateaux-prison. En 1863, les Polynésiens, dont les Rapa Nuis, survivants sont réexpédiés dans leurs îles, mais ils emportent avec eux la variole, et va […]

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