Encore un article un peu particulier car je n’ai pas de photos de l’exposition, elles sont interdites. Mais je me dois de parler de ce musée, d’une part car il est vraiment bien fait et de de l’autre pour la mémoire. Le mACTe est situé à Pointe-à-Pitre, mais si j’en parle ce mois-ci c’est que je l’ai visité durant les vacances de Pâques juste après mon séjour à Marie-Galante. Comptes au moins deux heures de visites, une demi-journée pour tout faire.

Le MACTe est une institution culturelle dédiée à l’Histoire, au patrimoine et à la mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de ses abolitions. L’enjeu majeur du mémorial de la traite négrière et de l’esclavage est de donner naissance à un espace régional dédié à la mémoire, l’information, la connaissance et à la recherche historique, à destination de la population, des touristes, des étudiants et des chercheurs.
L’exposition permanente est structurée autour d’une quarantaine d’îles ou modules didactiques regroupés en six archipels déclinant les temps forts de l’histoire longue de l’Esclavage allant de l’Antiquité à nos jours en passant par l’invention des Amériques, les ségrégations et les colonisations post-abolitionnistes. Audio-guides, vidéo-projections, bornes et tables interactives rythment un parcours didactique alterné de pièces patrimoniales et d’œuvres contemporaines. L’ensemble des contenus est disponible en français, anglais, espagnol, créole, allemand et italien.
La passerelle et le morne Mémoire relie le bâtiment au Morne Mémoire. Sa symbolique est importante dans la conception de l’ensemble. Le jardin, source de subsistance et maigre espace de liberté pour l’esclave sur la plantation est symbolisé par le Morne Mémoire. Il subsistera ensuite dans l’univers de la case créole comme le décrit feu Jacques Berthelot.

L’espace de recherche généalogique regroupe plus de 6 000 arbres généalogiques de familles guadeloupéennes. Une réalisation qui a pour point de départ un long et minutieux travail aux archives départementales de Guadeloupe réalisé par Michel Rogers, généalogiste passionné. Ce travail se poursuit en collaboration avec le service documentation/généalogie.
La médiathèque publique permet la consultation de ressources numériques en lien avec les thématiques de mémoire de la traite et de l’esclavage. Il s’agit de mettre à disposition du public par le biais d’un environnement sécurisé des articles, des ouvrages, une sélection d’émissions enregistrées, et une sitothèque en lien avec ces thématiques.

Le sujet t’intéresse mais bon aller en Guadeloupe ça a un coût. Pas de soucis, les Mémoires des abolitions de l’Esclavage a répertorié l’ensemble des musées, mémoriels et monuments qui diffusent la mémoire de la traite, de l’esclavage, des résistances et des abolitions. Personnellement j’ai visité le Château des Ducs de Bretagne de Nantes. Le musée est riche en information et varié dans les formats. Je conseille !!
8 Mars oblige, journée internationale de la LUTTE des DROITS des femmes, parlons un peu des femmes qui se sont battus pour leur liberté et leur dignité et celles des autres.
Solitude, icône de la résistance guadeloupéenne

Statue de Solitude érigée sur le boulevard des Héros en Guadeloupe. Elle est l’œuvre du sculpteur guadeloupéen Jacky Poulier. (Photo : pas de moi)
J’avais déjà fait un point sur l’héroïne locale dans cet article il y a deux ans. Mais un pic de rappel ne fait de mal à personne.
De son prénom Rosalie, Solitude est née sur à Capesterre-Belles-Eaux en 1772 “libre de couleur” avant l’abolition de l’esclavage décrétée en juin 1794. On la surnomme la Mulâtresse Solitude à cause de sa peau claire, conséquence du viol d’une captive africaine sur le bateau qui l’entraînait vers les Antilles. Une fois sa liberté acquise, Solitude rejoint une communauté de Marrons retranchés dans les mornes.
Malgré l’abolition, la situation reste confuse et conflictuelle dans l’île, théâtre d’affrontements et de rebellions, entre propriétaires blancs et affranchis noirs. En novembre 1801, Napoléon décide de rétablir l’ordre colonial et y envoie plusieurs bataillons. Des officiers de l’armée décident de résister au nom des Lumières et de la liberté. Parmi eux, Louis Delgrès, qui le 10 mai 1802 lance ce slogan : “A l’univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir”. Placardée sur les murs de Basse Terre, cette formule sert de cri de ralliement.

Cette fois c’est une photo de moi, mais maintenant je ferais la photo en paysage et je ne couperais pas les pieds de Solitude…
Dans cette guérilla, les femmes combattent aux côtés des hommes. Parmi elles, Solitude, qui pistolet à la main rallie les maigres forces de Delgrès. Elle est alors enceinte de son compagnon, un Nègre marron qui se bat comme elle et sera atteint par un obus. Solitude se fait ensuite capturer le 23 mai 1802, lors de l’attaque du camp de Palerme menée par le général Gobert. Elle est condamnée à mort. Enceinte, elle ne sera exécutée qu’après la naissance de son enfant, le 29 novembre 1802. La foule qui l’accompagne vers la potence est immense et silencieuse. A 30 ans, elle laisse un enfant à l’esclavage : le nouveau-né dont elle a accouché la veille. Ce n’est que 46 ans plus tard, en 1848 que sera décrétée la deuxième abolition de l’esclavage.
Sanité Belair, rebelle et soldate haïtienne

Billet édité en 2004 à l’effigie de Sanite Bélair, en commémoration du Bicentenaire. ©monnaiedumonde.net
Cette combattante s’est très tôt engagée dans les luttes qui conduiront à la création et l’indépendance d’Haïti en 1804. Lors des premiers soulèvements d’esclaves en 1791, les femmes sont déjà en première ligne aux côtés de Toussaint Louverture. Sanité est le surnom de Suzanne, jeune affranchie et épouse de l’un des aides de camp et neveu de Toussaint Louverture, Charles Bélair. C’est aux côtés de son époux qu’elle livre combat notamment contre les divisions du général Leclerc chargé de rétablir l’ordre et l’esclavage dans la colonie de Saint-Domingue.
Elle porte le nom de son officier de mari, Charles Belair, mais elle a su se faire un prénom, par les armes. Sanité Belair fait partie de ces nombreuses femmes qui se sont soulevées, et qui ont participé à l’insurrection sur le front haïtien. Sanité Bélair est l’une des figures de proue de ces commandos, mais d’autres s’illustrent aussi par leur bravoure et leur courage dans les combats : Défilée (appelée également Dédée Bazile), ou encore Claire Heureuse, épouse de Jean-Jacques Dessalines.

Sanite Bélair, par l’artiste haïtien Richard Barbot
Sanité tombe dans un guets-apens, et se fait capturer lors d’une attaque surprise. Apprenant son arrestation, son mari décide de se rendre. Le 5 octobre 1802, tous deux sont condamnés à mort. Le tribunal colonial considérant le grade militaire de Charles et le sexe de Sanité, son épouse, condamna ledit Bélair à être fusillé et ladite Sanité, sa femme à être décapitée.
Sanité refuse qu’on lui bande les yeux, et le bourreau ne parvient pas à lui faire courber le dos pour installer sa tête sur le billot. L’officier qui commandait le détachement fut obligé de la faire fusiller. C’est ce que Sanité voulait, mourir dignement, comme un soldat.
Claire, marronne guyanaise, étranglée puis pendue
Autre héroïne marronne, Claire est une esclave fugitive, morte en se battant pour conserver sa liberté dans le courant du 18ème siècle en Guyane française.

La statue « Marrons de la liberté » en Guyane.
La traite négrière vers la Guyane commence en 1660. Elle est aussi marquée par le marronnage et les récits d’esclaves fugitifs. Ceux qui réussissent à s’échapper forment des groupes, pour survivre en forêt et se défendre contre les expéditions menées par les autorités. Leurs campements prennent la forme de véritables villages où les activités de subsistance (chasse, pêche, agriculture) se développent.
e témoignage de Louis, un jeune marron capturé en 1748, permettant de reconstituer la vie d’une communauté d’esclaves en Guyane. Les femmes y sont nombreuses, quasi-la moitié, et participent activement à la vie du camp. Cette forte présence de femmes, toujours selon le récit de Louis, confirme que l’aspiration à la liberté existait chez les femmes comme les hommes. Le nombre important d’enfants dans le camp cité dans ce témoignage montre aussi que malgré un environnement hostile, elles n’hésitent pas à marronner avec leurs enfants comme l’a fait Claire, la compagne de Copena.
C’est courant septembre 1749, qu’un détachement de soldats français, d’Amérindiens et de colons lance l’attaque sur la Montagne Plomb. Ils parviennent à capturer au fin fond de la forêt épaisse amazonienne, le “Grand bois” comme l’appellent les Guyanais, un couple de marrons. Claire et Copéna. Ce dernier, jugé comme récidiviste, est accusé de pillage et d’incitation au marronnage. Il est condamné au supplice de la roue jusqu’à ce que mort s’ensuive. Claire, elle, est étranglée puis pendue. Une double exécution qui se déroule en place publique à Cayenne à laquelle sont contraints d’assister les deux enfants du couple.
Héva, à l’ombre d’Anchaing, les héros réunionnais

Sculpture en basalte de Marco AH-KIEM – Héva pleurant son enfant
Héva fait partie de ces héroïnes, indissociables de leur héros de mari ou compagnon. Elle est donc connue comme la compagne d’un certain Anchaing, célèbre marron qui a laissé son nom à un piton dans le cirque de Salazie dans l’île de la Réunion. Ce couple a donné lieu à l’une des plus mythiques légendes de l’île. Légende aux multiples versions, car sur le papier, difficile d’en écrire l’histoire avec précision. Les informations laissées par les autorités coloniales concernant l’état civil des esclaves sont très insuffisantes.
Colonisée définitivement à partir de 1665 par la France, la traite se développe sur la Réunion à partir de 1725. Entre 1730 et 1770, les colons français s’organisent militairement et mènent une véritable chasse aux marrons. Parmi celles et ceux qui sont capturé.e.s, il y a entre 24% et 39% de femmes.

Le couple légendaire de la résistance des marrons à la Réunion, Heva et Anchaing. (Photo : pas de moi)
C’est dans la plantation où elle est jeune esclave qu’Héva rencontre Anchaing. Ils tombent amoureux. Un jour, Anchaing assiste aux coups de fouet qu’elle reçoit pour avoir brisé un vase, punition qui vient s’ajouter à de multiples maltraitances. Le couple décide de s’échapper la nuit même, pour rejoindre un piton réputé inaccessible. Pendant des années, ils réussissent à échapper aux chasses à l’homme menées par les soldats français. Ils auront entre 7 et 8 enfants. Les versions diffèrent sur la date et la manière dont Héva et Anchaing sont morts. Capturée en 1740 dans un contexte mal défini, nul ne sait quel sort lui a été réservé.
Cudjoe Queen Nanny, la fine stratège

Pas de source, trouvé sur galsguide.org
Nanny est née en 1686 au Ghana. Elle est vendue enfant comme esclave avec ses trois frères sur l’île de la Jamaïque. Ils fuient tous ensemble et s’établissent dans un massif appellé les Blue Mountains. Nanny et ses frères fondent un village, Nanny town, où viennent d’autres marrons pour y trouver refuge.

Pas de source, trouvé sur thepanafricanworld.com
Armés et entraînés, ils parviennent plusieurs fois à repousser les assauts des soldats britanniques envoyés pour les soumettre. Nanny Town était située au bord d’un précipice ce qui rendait les attaques difficiles. Nanny organise sa communauté de façon à être autonome : les marrons étaient aussi éleveurs de bétails et agriculteurs.
Nanny développe des talents de fine stratège. Elle adopte des tactiques de guérilla . Elle ordonne à ses guerriers de s’habiller de façon à ressembler à la végétation. Enfin, elle envoit des hommes se montrer volontairement aux soldats britanniques pour les faire tomber dans des embuscades.
La mort de Nanny survient vers 1733 des mains d’un esclave noir loyal à la Couronne lors d’une nouvelle attaque des forces britanniques contre les communautés marronnes. Grâce à elle et à de nombreux hommes et femmes, l’esclavage est aboli 100 ans plus tard en Jamaïque. Queen Nanny est une figure iconique de la résistance servile par le marronnage, dont l’importance dans l’histoire de l’esclavage est illustrée notamment par sa place au Panthéon des Héros de la Jamaïque et la présence de son image sur le billet de 500 dollars jamaïcain

Pas de source, trouvé sur afroculture.net
Olympe de Gouges, la révolutionnaire
Olympe de Gouges est une révolutionnaire du XVIIème siècle. Elle est célèbre pour avoir écrit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791 mais aussi pour son engagement sans faille contre l’esclavage.
Son engagement se traduit dans une pièce de théâtre, L’Esclavage des nègres ou l’Heureux Naufrage. Cette dernière dénonce le système économique esclavagiste, et a failli lui valoir la Bastille. La pièce est le premier drame à mettre en scène des esclaves noirs comme de vrais personnages. Elle conte l’histoire d’un couple de marrons réfugié sur une île déserte pour échapper aux sévices qu’il encourt . Elle est jouée à la Comédie française et permet de sensibiliser l’opinion publique.

Portrait de Olympe de Gouges par Alexandre Kucharski
Olympe de Gouges a écrit de nombreux autres ouvrages contre l’esclavage, comme Réflexions sur les hommes nègres. Elle est aussi l’autrice de la pièce Le Marché des Noirs, en 1790, quatre ans avant la première abolition.